L'orphelin de Rochefort

 

photo couverture

par Richard Hurbain

Sommaire

Chapitre  1  •   Louis admire le travail de son père (1864) ...................... page   3

Chapitre  2  •   L'orphelinat (1869) ....................................................... page   4

Chapitre  3  •   Audacieuse évasion de l'orphelinat (1870) ...................... page   5

Chapitre  4  •   Les charbonniers .......................................................... page   6

Chapitre  5  •   Les bûcherons .............................................................. page   7

Chapitre  6  •   Les maçons creusois ..................................................... Page   8

Chapitre  7  •   La montée à Paris ......................................................... page 10

Chapitre  8  •   La statue à Paris ........................................................... page 11

Chapitre  9  •   La prédiction de St Godefroye ........................................ page 14

Chapitre 10 •   Les terre-neuvas ........................................................... page 16

Chapitre 11 •   Les Etats-Unis – La statue de la liberté ........................... page 18

—   Chapitre 1   —

Louis admire le travail de son père (1864)

la ville de Rochefort

La ville de Rochefort

Quelle savoureuse émotion s'emparait du petit Louis lorsqu'il accompagnait sa mère sur le bord de l'océan. Il aurait reconnu entre mille le bateau de son père au retour de la pêche.

Quand il quittait l'école, se précipitant pour aider sa mère à la réparation des filets, il s'ébahissait devant ces grands voiliers qui allaient et venaient. Parfois son père l'emmenait au large et à la proue du bateau il n'attendait qu'une occasion pour se rendre utile. Les flots étaient pour lui une fascinante liqueur qui chaque jour changeait de couleur. Au retour, tout joyeux, il sautait au cou de sa mère qui maugréait de le voir accompagner son père.

Un pressentiment assombrit les pensées de sa mère et en effet après une grande tempête le bateau du papa de petit Louis n'apparut pas à l'horizon. Dès le lendemain, sa mère scrutât l'océan mais sans résulta. Retournant en ville elle eut la pensée d'aller prier à l'église. Après s'être rendue à l'école chercher petit Louis, elle se précipita à notre dame du Bon secours pour y allumer un cierge que petit Louis posa devant l'autel.

La pénombre s'approchant ils retournèrent en leur chaumière.

Le lendemain il fallut accepter l'évidence et, informés par les autres pécheurs de débris déposés par la mer en furie, ils n'osèrent plus sortir de leur demeure.

Les semaines, les mois passèrent et la maman de petit Louis, harassée de labeur, épuisée par la tristesse, vint à disparaitre.

—   Chapitre 2   —

L'orphelinat (1869)

Sans famille, petit Louis fut placé à l'orphelinat. En quelle douloureuse épreuve, le destin ne l’a-t-il pas mis ! Parfois ses copains d’école viennent le visiter, espérant le consoler de cet immense chagrin. Le matin il y apprend à lire, à écrire, à compter. L'après midi il participe avec les autres orphelins au ramassage des varechs, cet utile engrais. Il ne se lasse d'observer et d'admirer avec émotion les voiliers qui vont et viennent dans l'embouchure de la Charente. Il pense à son père disparu dans sa frêle embarcation de pêcheur et regrette qu'il ne put être dans l'équipage de ces grands navires mettant les voiles pour les Amériques.

Ah ! Parlons-en de ces Amériques, il en rêvait. Durant ses loisirs, il fréquentait la bibliothèque de l'orphelinat et les textes de Fenimore Cooper qui contaient les aventures des pionniers, des trappeurs, le captivaient.

Le samedi après-midi un responsable de l'orphelinat emmenait les plus grands visiter les voiliers en attente d'un prochain départ, que de rires, ils ne se lassaient de faire ces enfants.

La force tranquille de ces navires, le claquement des voiles, la beauté de tout ces bois si bien assemblés et imprégnés d'une si forte odeur les plongeaient dans la plus grande curiosité. Les nombreux canons à bâbord et à tribord surtout, leur faisait grande impression. Le petit Louis se trouvait toujours le dernier pour quitter le navire, à l'exemple du "Capitaine".

Les semaines, les mois passèrent ; Louis grandissait toujours attentif aux paroles du maître de l’école surtout quant des cours d’histoire contaient les aventures des navigateurs aux Amériques. Près du bureau du maître était posé une mappemonde et Louis ne se lassait de l’observer étonné de l’immensité des océans. 

 

 

—   Chapitre 3   —

Audacieuse évasion de l'orphelinat (1870)

Arrivé à l'âge de 14 ans, il savait que la direction de l'orphelinat allait le placer dans une ferme, cela était la tradition, et il redoutait de perdre l'espoir de devenir marin comme son père.

Un grand voilier se trouvait dans les préparatifs d'un proche départ et l'équipage qui habituellement s'activait semblait absent.

Au retour de la corvée de varech, il quitta ses camarades et se retrouva sur le pont. Il avait connaissance de ces grands navires, les ayant visités plusieurs fois avec l'orphelinat.

Il se glissa dans la cale pour s'y cacher, trouvant un endroit secret derrière les tonneaux de vin, les saloirs de cochons et de harengs. Ayant souvent prié avec sa mère il fit de même, implorant le ciel mais son heure n'était pas venu.

En effet les deux jeunes mousses à qui l'équipage avait confié la mission de compter et répertorier les provisions nécessaires à la survie de la mission découvrirent Louis et le sortirent de sa cachette. Ils l'interrogèrent, lui demandèrent son âge et quoique attendris par ses paroles bien attachantes, ils lui expliquèrent qu'il était trop jeune.

Ces mousses qui avaient seize ans accomplis lui dirent qu'âgé de 14 ans, il ne pouvait embarquer et que le navire n'allait pas en Amérique mais en Afrique.

Devenus quelque peu complice les jeunes mousses lui demandèrent de quitter le navire avant l'arrivée de l'équipage. Ce qu'il fit mais ne sachant où aller ils lui conseillèrent de rejoindre la forêt où les charbonniers préparaient une livraison de charbon de bois pour le navire.

En cette saison, nous étions en automne, le soleil se couchait tôt à l'horizon et les jeunes mousses lui prêtèrent un falot, indispensable pour rejoindre la forêt de nuit, étant entendu que les charbonniers le leur rendraient lors de la livraison. 

 

 

 

—   Chapitre 4   —

Les charbonniers

Louis suivit le cours de la Charente, croisant des cabanes de pécheurs et n'osant se retourner de peur d'affaiblir sa démarche.

Il lui fallut quand même quelques heures avant d'apercevoir la lumière dans la forêt qu'il espérait être celle des charbonniers. Quelle pourrait être la suite de cette audacieuse sortie ?

Enfin il se présenta à eux. Etonnés de ce que Louis leur raconta, pris de compassion ils l'acceptèrent dans leur rustique campement. Louis prit en silence quelques restes du frugal repas des charbonniers et s'endormit auprès de leur cabane.

Le lendemain matin la fraicheur du lever du jour et le crépitement du feu ne peinèrent pas à le faire lever. L'eau de la cruche sur le visage le fit tressaillir et il pensa, attristé, aux embruns de la mer.

Les charbonniers lui demandèrent son prénom mais par rigolade le surnommèrent le "Falot".

Ecoutant ses hôtes, il se mit à la tâche de bon cœur. Trois charbonniers partirent livrer leur commande au navire sans oublier le falot et au retour confièrent à Louis que les jeunes mousses n'avaient dit mot à l'équipage. Celui-ci devait appareiller le lendemain et Louis croyait, proche des clairières, l'apercevoir mais ayant quand même parcouru une bonne lieue en forêt il ne put le distinguer parmi les autres.

Après quelques jours, les charbonniers déplacèrent leur campement en s'enfonçant dans la forêt et cela était aussi bien car l'orphelinat était encore proche et il se pouvait bien que le "Falot" soit repris et que les charbonniers soient déclarés complices.

Dans leur misère, une entraide attachante les liait les uns aux autres, heureusement car Louis restait fébrile, l'inquiétude ne le quittant pas. Qu'allait pouvoir engendrer cette audacieuse démarche ? L'orphelinat n'était pas une maison bien hostile, il y avait des copains, de petites habitudes, et aujourd'hui il arrivait dans la plus grande incertitude. Mais enfin pesant le pour et le contre il se sentait plus libre.

De temps à autre les charbonniers s'approvisionnaient en nourriture dans les villages croisant parfois les colporteurs qu'ils questionnaient avec curiosité. Il arrivait aussi qu'il leur soit donné un journal quelque peu défraichi. Aussitôt louis s'accordait de l'importance en faisant la lecture à ses amis.

Les semaines passèrent, l'hiver devint bien cruel pour eux. Une partie des charbonniers retournèrent à Rochefort alors que le Falot suivit le reste de l'équipe qui à cette époque de l'hiver devenait bûcheron. En effet la lune de Février était propice à l'abattage de grands arbres qui deviendront les mâts des navires. 

 

 

 

 

—   Chapitre 5   —

Les bucherons

Les bucherons

S'il n'avait pas encore la stature suffisante, le Falot, de bonne constitution s'intégrait très bien mais le maniement de la hache, de la cognée, du passe partout l'éprouvait. Il se montrait plus à son avantage en grimpant au plus haut des arbres, rêvant d'être en haut des mâts du navire. En se déplaçant ils traversèrent d'autres villages, apprenant les dernières nouvelles du pays. La France avait perdu la guerre contre les prussiens, elle pansait ses plaies. Les inventions nouvelles comme la machine à vapeur, le chemin de fer donnaient un regain d'activité de partout. Le Falot sachant lire et écrire était une aide précieuse pour ces laborieux charbonniers bûcherons. D'un commun accord Louis (le Falot) serait censé être le neveu d'Albert le "chef" de l'équipe car il se pouvait que les gendarmes contrôlent leur identité. Le printemps était de retour, tout comme les hirondelles. Le passage des grues qui remontaient vers le nord l'attestait. Ah ! Quelle émotion le Falot n'avait-il pas quand il entendait leurs cris et suivait leur vol si majestueux dans la clarté du ciel. Il enviait cette liberté qu'elles détenaient de voyager. Imprégné de réflexions il se dit que si courageuses et si coopérantes entre elles tout leur était possible. Mais que de labeur leur était elles demandé et cet exemple lui démontra combien l'entraide, la ténacité leur accordaient la liberté. Maintenant le travail des bucherons était terminé. Une partie de l'équipe retourna en Charente en se donnant rendez-vous à l'automne prochain.

 

 

 

 

—   Chapitre 6   —

Les maçons creusois

les maçons creusois

Ils n'étaient plus que trois : Albert, René et le Falot. Continuant leurs pérégrinations, quittant le Limousin ils arrivèrent en Creuse. Ils s'y établirent pour quelques mois et là aussi le travail n'y manquait pas. Une grande demande de main-d'œuvre régnait partout. Construire des viaducs, creuser des tunnels était indispensable car la France se couvrait de voies ferrées. Le courageux trio n'avait que l'embarras du choix. Albert depuis plusieurs années vivait ainsi, au gré des chantiers que les saisons commandaient et il trouvait goût à être aussi polyvalent. En chaque région il rencontrait de vielles connaissances et en tous les villages traversés régnait la bonne humeur.

Après avoir œuvré sur ces chantiers de maçonnerie, l'automne s'approchant ils retournèrent en Charente et y retrouvèrent les charbonniers.

L'émotion reprenait le Falot mais il n'osa pas encore s'approcher de Rochefort. Il se cantonna à la saison des charbonniers. Ceux-ci l'informèrent des nouvelles maritimes. Une intense activité régnait au port car de nombreux produits venant du nouveau monde devenaient très prisés. Pensant à sa mère et à son père, il peinait à supporter le chagrin qui ne le quittait pas. Seul le travail auquel il s'était astreint avec ses compagnons faisait fuir ses tristes pensées.

Dans ses humbles activités le Falot grandissait en force et en sagesse. De nouveau les grues furent de retour et toujours admiratif il ne se lassait de les suivre du regard. Arrivé au cœur de l'Hiver les trois gaillards reprirent la hache, la serpe, le passe partout et la cognée..

A leurs façons ils étaient de vrais indiens, car ils savaient tirer parti de tout dans la nature. Le froid, la faim, l'ennui leur étaient inconnu. Le Falot le plus agile, tout en haut des cimes, rêvait toujours du haut des mâts.

Mais pour l'instant il ne découvrait dans les vallées que d'immenses taches jaunes provoquées par les jonquilles. Celles-ci annonçaient de nouveau le printemps comme également le retour des hirondelles et le passage des grues libertaires.

Là encore le trio reprit la route vers la Creuse et retrouva les viaducs et les tunnels.

Deux années passent ainsi. Nous sommes maintenant en 1880 et notre sympathique équipe continuant ses pérégrinations apprends que de grands bouleversements s'opèrent à Paris. Depuis plusieurs années les maçons creusois montaient à la capitale au printemps et revenaient à l'automne avec un bon pécule.

Un soir après leur frugal repas, le Falot qui admirait l’adresse, le savoir qu’Albert détenait osât l’interroger sur son passé : « Dis-moi Albert, d’où te vient cette facilité à travailler si bien en toute situation », « Vois-tu Louis, quelques années auparavant, il m’a été donnée la chance d’accomplir mon tour de France du compagnonnage. Mon père, tailleur de pierre me donna le goût de suivre ses traces et tout naturellement le granit, le calcaire, le tuffeau n’avait plus de secret pour moi. En parcourant toutes les provinces de notre beau pays, j’y appris non seulement les différentes tailles de pierres mais aussi l’art de forger les outils tranchants car n’oublie pas cette phrase : point de forgeron, point de tailleur de pierre. J’y rencontras également des charpentiers dont les outils fétiches étaient l’herminette, la bisaiguë et la doloire. »

Le lendemain soir la conversation reprit entre eux et le Falot devenant plus curieux lui demanda « Et as-tu une famille ? » Les flammes du feu de bois éclairant le visage d’Albert, le Falot aperçut dans ses yeux quelques larmes. Après un court silence, René se levât comme pour faire diversion. Mais Albert se ressaisissant répondit au Falot : « Et oui, j’eus le bonheur d’épouser une gentille femme. Nous eûmes un fils qui grandissait avec vigueur. M’étant installé tailleur de pierre près d’une carrière j’eus le malheur d’employer de la poudre explosive pour détacher un gros bloc et le jour maudit arriva. Mon petit garçon voulant me rejoindre et sa mère courant après lui périrent dans l’éboulement et j’ai aujourd’hui une grande aversion pour cette poudre maudite. C’est pour cela Louis que lorsque tu es arrivé au camp des charbonniers, je t’ais pris quelque peu sou ma coupe ; sache maintenant que chaque fois qu’un danger se fait pressentir tu devras tout faire pour l’empêcher d’arriver. Sois toujours observateur, tu apprendras beaucoup. Mais dit-moi, Louis ton envie de naviguer tiendra t’elle toujours, si tu nous suis à Paris ? « J’en doute, mais votre compagnie m’est si précieuse que je ne doute de la providence ».  

 

 

 

 

 

—   Chapitre 7   —

La montée à Paris

Ils se décidèrent d'un commun accord à tenter l'aventure. Le Falot n'omit point d'emporter sa nouvelle paire de sabots que les sabotiers lui avaient confectionnés ainsi qu'une paire de galoche. Traversant le Berry, ils trouvèrent un chantier près d'Issoudun où s'établissait une nouvelle ligne de chemin de fer. Ils y restèrent quelques semaines pour la pause de traverses de chêne puis continuèrent vers la capitale. Traversant la Loire, le Falot eut un ressentiment d'amertume en apercevant les mouettes qui allait et venaient. Il s'efforça de chasser de son esprit cet amer regret.

De gaieté de cœur ils s'établirent à Paris. Albert y avait des connaissances et ils ne peinèrent pas à trouver une pension de famille.

De suite ils furent embauchés. Travaillant ensemble ils s'encourageaient et cela facilitait leur dur labeur. A les voir agir, nous aurions pu les surnommer les "trois mousquetaires". Ils succédaient aux démolisseurs et leur talent de maçon, tailleurs de pierre, charpentier provoquaient l'étonnement.

Les jours de repos le samedi après-midi, le dimanche et les nombreuses fêtes religieuses chômées, le Falot les occupait en flânant sur les bords de Seine où là aussi les mouettes lui redonnaient de l'amertume. Il fréquentait également les bibliothèques où il apprenait beaucoup. Sa revue préférée "le Monde illustré" comportait tant d'articles passionnants que la soif de voyager ne le quittait pas, mais l'heure n'était pas encore venue.

Le samedi après-midi, il portait son linge à la blanchisserie toute proche où une jeune fille l'accueillait bien souriante. Elle se prénommait Blanche et le Falot lui fit connaitre son prénom "Louis". Il apprit qu'elle aussi était orpheline, sa mère s'étant précipitée sous un fiacre pour la sauver de son étourderie. Elevée chez les sœurs religieuses et placée à l'âge de 14 ans chez sa patronne blanchisseuse, elle faisait preuve de grande affabilité.

Certains Dimanches il l'invitait à découvrir les chantiers où il travaillait, terminant leur promenade par les bords de Seine.

Avec l'arrivée de l'automne ses compagnons décidèrent de redescendre en Creuse et en Charente.

Le Falot, hésitant, préféra rester à Paris. Fort de nombreuses attaches et d'un sentiment amoureux envers Blanche il se sépara de ses compagnons en leur promettant d'être à nouveau avec eux au retour du printemps.

Il détenait maintenant un pécule conséquent et le confia à sa logeuse.

L'hiver de nouveau stoppa les travaux de construction mais il ne peina pas à trouver de l'embauche.

De nombreuses démolition édictées par le Baron Haussmann se succédaient et le Falot excellait à grimper sur le haut des ces vieilles bâtisses pour y démonter les charpentes. Ah ! Dans quel ravissement se trouvait-il dans ces hauteurs. Il n'était pas en haut des mâts mais sur les toits de Paris. La capitale lui découvrait tous ses charmes. La cohue qui régnait dans les rues disparaissait et il savourait une certaine solitude qu'accompagnait l'air chaud donné par la réflexion des rayons du soleil sur les tuiles et le zinc dont étaient couvertes les bâtisses.

Dans les combles il découvrait des livres, des revues qu'il colportait en fin de journée dans sa loge et sa soif de lecture n'en était que plus vive.

En compagnie de Blanche il devenait très expansif, lui racontant ses pérégrinations avec ses compagnons de la Charente à Paris. Son savoir devenant impressionnant bien que n'étant pas vantard, mettait Blanche dans une doucereuse attention. Ses paroles devenaient exaltantes quand il parlait de ces grands navires voguant vers le nouveau monde.

Il se disait que d’impressionnantes découvertes étaient possibles au cœur d’immenses terres sauvages.

Déjà en feuilletant le « Monde Illustré » de Falot pouvait devenait un guide compétant et son exaltation rendait Blanche de plus en plus captivée. 

 

 

 

—   Chapitre 8   —

La statue à Paris

La statue à Paris

Un projet fameux enflamma le cœur du Falot. La France souhaitait offrir au Etats-Unis, en gage d'amitié, une statue gigantesque. L'architecte Frédéric Bartholdi dont le talent était hautement reconnu en était le concepteur, il y travaillait depuis plusieurs années et ses esquisses se découvraient. Il se disait que les financements et que le nom de Gustave Eiffel y était mêlé. De nouveau le retour des hirondelles signala l'arrivée du printemps. Ses compagnons, Albert et René tardèrent à rejoindre le Falot car un chantier d'importance se réalisait : le viaduc de Garabit.

Enfin rassemblés ils s'échangèrent les nouvelles et Albert et René se vantèrent d'avoir œuvré sous les ordres du talentueux Gustave Eiffel.

Aujourd'hui, le Falot devenait chef de chantier et sa simplicité, son équilibre des valeurs lui valaient beaucoup d'estime. Blanche ne se lassait pas de l'entendre évoquer la navigation mais elle appréhendait en son fort intérieur qu'il ne tente l'aventure du nouveau monde. Son intuition en effet se vérifia.

Blanche de plus en plus coquette se moquait gentiment de Falot quand le lundi elle lui remettait ses habits bien proprets omettant de lui dire combien elle aimait respirer l'odeur de ces habits qu'il lui remettait le samedi !  

 

Préparatifs de la statue à Paris

Préparatifs de la statue à Paris 

 

Présentation de la statue à Paris

Présentation de la statue à Paris 

 

 

 

—   Chapitre 9   —

La prédiction de Saint Godefroye

Prédiction de st Godefroye

Le Falot toujours captivé par les textes des revues poussiéreuses qu'il trouvait dans les greniers des immeubles voués à la démolition tardait, le soir, à souffler la bougie. La lecture de l'une d'elles lui donna connaissance de cette curieuse prédiction parue dans le "Moniteur" d'avril 1853 où Saint Godefroye, qui vécut au 12ème siècle, annonçait que l'Europe aurait à vivre de grandes épreuves et que "la Germanie aurait à combattre le nouvelle armée venue de l'océan". De nombreuses fois il relisait cette curieuse prédiction.

Comment, en effet l'Allemagne ayant vaincu la France, devrait affronter cette "nouvelle armée venue de l'océan" ! Viendrait-elle de l'Amérique ?

Cette revue poussiéreuse que le Falot avait trouvée dans les combles d'un immeuble en démolition fut le déclic qui lui fit prendre la décision de traverser l'océan. Cette envie première de partir en mer redevint trop puissante. Dorénavant le sort en était jeté !

Connaissant les mariniers qui convoyaient le sable à maçonner depuis Rouen, il parti avec eux.

Auparavant il embrassa blanche lui promettant de donner de ses nouvelles, confiait une bonne partie de son pécule à sa logeuse au cas où Blanche se trouverait dans l'embarras, serra dans ses bras Albert et René et emprunt d'émotion, la péniche l'emporta.

Peu de jours après, accompagné des mouettes il découvrit Rouen, la "ville aux cent clochers". Sachant que les terre-neuvas allaient partir pour leur saison de pêche à la morue, il se rendit à Fécamp où il fut facile à ce grand gaillard d'être accepté dans un équipage.  

 

 

 

—   Chapitre 10   —

Les terre-neuvas

Les terre-neuvas

Enfin il traversait l'océan, souffrant beaucoup les premiers jours mais pensant à son père, seul comptait l'ivresse d'être en mer.

Ses compagnons Terre-neuvas burinés par les embruns contaient leurs nombreuses saisons de pêche et combien la mer nourricière pouvait être cruelle mais tellement captivante.

Les brumes, le froid leur annonçait l'arrivée proche des lieux de pêche. Accostant à Saint Pierre et Miquelon, y retrouvant leurs compatriotes, ils s'y sentaient peu dépaysés malgré les dures conditions de labeur. Grâce à l'huile de foie de morue leurs mains ne craignaient pas les crevasses que le froid pouvait provoquer. Le fruit de leur pêche emplissait rapidement les tonneaux de châtaigniers. Les habitants de Saint Pierre s'activaient sur place pour travailler la morue dont le foie détenait cette précieuse huile. Les doris, ces grosses chaloupes où se trouvaient les pêcheurs s'éloignaient parfois dangereusement du voilier et la corne de brume s'entendait lugubrement pour les rappeler.

Le Falot et ses compagnons s'accordaient peu de repos mais le dimanche était jour de fête. Une petite chapelle environnée de maisons de bois quelques peu chétives était le lieu de rassemblement des habitants.

Une longue allée sableuse permettait de s'exercer à un jeu très prisé : le jeu de quilles. Celles-ci de bois d'acacia tournée et coloriées devaient être renversées par de grosses boules de bois creusées au milieu pour le passage des doigts.

Au soir, autour d'un grand feu quelques danses locales au son de cornemuses rappelaient au Falot sa terre natale.

Depuis quelques semaines le temps clément qui régnait permettant d'abondantes pêches, tous avaient le cœur joyeux. Souvent ils recevaient la visite d'américains venant de Boston qui commerçaient l'huile de foie de morue. Le Falot dont la parole se révélait communicative apprenait d'étonnantes nouvelles sur les mœurs, les coutumes et la fulgurante progression des Etats Unis d' Amérique.

La saison bien avancée, les terre-neuvas songèrent au retour. Le Falot ayant remplit son contrat escomptait profiter de la présence des américains pour se joindre à eux.

Il n'omit point d'écrire une lettre adressée à Blanche que les terre-neuvas posteraient dès leur arrivée à Fécamp.

Au cours du voyage vers Boston, le Falot et les marins américains conversaient assez facilement certains d'entre eux étant d'origine française. Ils avaient beaucoup d'attachement envers la France et le Général Lafayette dont la légendaire figure les avait tous conquis. En peu de jours le falot se trouvait avec ces américains en bonne amitié et déjà il pouvait coopérer avec eux.  

 

 

 

 

—   Chapitre 11   —

Les Etats-Unis - La statue de la Liberté

L'arrivée de la statue à New-York

L'arrivée de la statue à New-York 

Débarqué à Boston, le Falot s'ébahissait de découvrir cette formidable effervescence qui y régnait.

S'interrogeant sur les différentes actions à prendre, il choisit de rejoindre New-York, se souvenant du projet de la France d'offrir aux Etats-Unis cette gigantesque statue. De fait une rumeur circulait que la France était en passe d'en effectuer la livraison. Déjà elle y avait été présentée grandeur nature à Paris et remise à Monsieur Morton, l'ambassadeur des Etats-Unis.

Le Falot appris également que les fondations débutaient et que des ouvriers français allaient assembler les pierres formant l'énorme socle.

Ces pierres de grande qualité provenant de l'Est de la France étaient arrivées à destination.

Le Falot qui connaissait Eiffel et Bartholdi réussit à entrer en contact avec eux et obtint d'être embauché comme chef d'équipe.

Arrivé sur place, il découvrit l'avancement des travaux, le socle de pierre en partie établit.

Il allait maintenant falloir élever l'ossature de fer conçue par Eiffel et la présence du Falot fut bien ressentie par tous. Une grande et réjouissante fête navale eut lieu lors de l'arrivée du voilier l'Isère transportant la statue, elle embrasa le cœur de tous ceux qui en étaient témoins.

Profitant du retour des navires en France il confia un courrier adressé à Blanche.

L'ossature de fer de la statue s'élevait et ce curieux squelette provoquait l'étonnement des nombreux badauds.

Le Falot se remémora que ses compagnons Albert et René travaillèrent sur le Viaduc de Garabit, qu'également Eiffel avait conçu. Cette coïncidence l'amusa. Il se sentait dans son élément maintenant qu'il se trouvait au nouveau monde, entouré de toutes sortes de navires qui parfois saluaient ce labeur acrobatique en faisant sonner leurs cornes de brume.

L'ossature de fer terminée il fallait maintenant y fixer les plaques de cuivre et les observateurs comprirent combien Bartholdi qui s'était consacré depuis plusieurs années à ce projet, n'avait commis aucune erreur. Tous comprenaient que l'amour de Bartholdi envers la France, envers les Etats-Unis s'était nourri des dures épreuves du passé.

A la guerre d'indépendance, à la guerre de sécession, à la guerre Franco-allemande de 1870 allait succéder une atmosphère de fraternité. Cette statue de "la liberté éclairant le monde" devenait vraiment l'emblème de l'heureuse évolution que le monde attendait. Quelle adresse, quelle dextérité le Falot pouvait-il détenir. Entouré de ses compagnons américains il semblait être le capitaine du grand voilier en pleine tempête. Tous prenaient à cœur d'assembler ces éléments qu'Eiffel et Bartholdi avaient si judicieusement conçu. Du matin au soir ces hommes ressemblaient à de joyeuses libellules qui n'étaient pas effrayées par cette immense toile d'araignée. Au clair de lune les plaques de cuivre provoquaient de curieux reflets et tous les rayons du soleil, la statue commençaient à briller de mille feux.

Le dimanche les ouvriers, pris de passion, tenaient à rester sur le socle de pierre pour savourer l'avancement des travaux et le lundi, ils reprenaient de plus bel leur labeur.

Pendant ses heures de repos le falot ne pouvait s'empêcher de penser aux doux instants que Blanche lui avait fait vivre à paris, aussi il ne manquait de lui faire parvenir de ses nouvelles.

Le Falot n'était plus sur la cime des arbres, ni sur les charpentes des vieux immeubles de Paris, ni sur la hune du voilier mais sur le haut de la statue, il y trouvait sa récompense.

Il aura fallu poser, fixer, ajuster, 120 000 kilos de fer et 80 000 kilos de cuivre. Des milliers de rivets de cuivre devaient être posés aux emplacements prévus par Bartholdi et il se vérifiât qu'aucune erreur ne fut commise.

L'heure de l'inauguration approchant le Falot se remémorait ses jeunes années passées depuis son départ de Rochefort et ce curieux surnom "le Falot" que les charbonniers lui avaient donné, le faisait sourire.

Advint le grand jour, ce 28 octobre 1886, d'inauguration en présence du Président des Etats-Unis et des centaines d'invités. Evidemment le Falot en faisait parti, emprunt d'une certaine fierté mais aussi d'amertume de l'absence de Blanche.

Il hésitait maintenant, entre découvrir de plus près cet immense pays ou retourner en France chercher Blanche qui surement se croyait abandonnée. De plus Eiffel lui avait fait part d'un grand projet pour l'exposition universelle de 1889.

S'interrogeant, qu'allait-il faire, partir au Far-West ou revenir en France. Mystère… 

 

 

Montage de la staue

 

 

Flambeau de la statue